WAI-MING LUNG – Consultant Food & Beverage, Fondateur du site Orgyness


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– Présente-toi, s’il-te-plaît !
Wai-Ming Lung : Je travaille dans le F&B (Food & Beverage). Par exemple, je collabore depuis un an avec Dom Pérignon sur des programmes d’accords mets-vins et la création d’expériences innovantes mêlant vins et gastronomie. Je donne également des conférences sur le champagne et sa consommation sur les marchés asiatiques, ou encore sur la digitalisation dans les domaines du vin. Je conseille par ailleurs un chef pour l’aider à structurer son offre, voire à chasser une étoile Michelin.
Autrement, j’ai un webzine qui s’appelle Orgyness, que j’ai fondé en 2014, où je suis soutenu par 7 autres rédacteurs qui ont chacun leur spécialité. On y parle bien entendu de gastronomie, vins, spiritueux, hôtellerie et art de vivre.

– D’où viens-tu ?
Je suis né à Hong Kong. Avec mes parents, nous sommes arrivés à Paris alors que j’avais 6 ans. Après un cursus littéraire, j’ai fait les Arts Décoratifs de Paris. J’ai toujours été un peu pluridisciplinaire. Spécialisé en textile, je suis devenu styliste de mode dans des maisons comme Christian Lacroix ou Joseph. Puis j’ai rencontré Alber Elbaz quand ce grand monsieur est arrivé à Paris.
En 1998-99, à l’aube du marketing digital, j’ai rejoint B2L, une agence montée par Loïc Le Meur et feu Christophe Lambert, considérée comme la première grande agence web française, aujourd’hui appelée Proximity. C’est dans cette boîte que j’ai fait mes armes en tant que directeur de création, en pleine explosion d’internet. Puis il y a eu Futurebrand, OgilvyOne et DDB.
En 2004, je découvre le blog. J’ai trouvé l’outil de publication intéressant et me suis dit que cela pouvait aussi le devenir pour mes clients.

– Et qu’est-ce qui t’a donné envie de parler de gastronomie et ce qui gravite autour ?
En fait, alors que d’autres partent à la mer, au ski, en trek ou que-sais-je, je m’évertuais pour ma part à sélectionner des lieux pour la bonne chère. Je voyageais en fonction des restaurants qui se trouvaient dans les villes de destination. Cela peut paraître exotique en Europe de faire 2000 km pour un repas et revenir, mais en Asie, cela se fait depuis toujours. Le fait que les gens aient peu de congés pousse certainement à vivre ainsi.

– Finalement, on en revient à tes origines. Cela fait donc partie de ton éducation ?
Oui, mes parents étaient restaurateurs et hôteliers. Mon père ayant été chef, il a toujours eu une exigence du palais qu’il nous a léguée. En Asie et en Chine particulièrement, le repas familial est une tradition sacrée, car c’est le seul moment où tout le monde se retrouve au quotidien. Mais alors qu’enfant, cela pouvait sembler gavant de toujours parler de nourriture – le midi, on parlait déjà de se qu’on allait manger le soir – je le fais dorénavant tout le temps.

– Et quest-ce qui t’a lancé dans l écriture ?
Au début, je trouvais principalement mes adresses sur le réseau A Small World, c’était avant Facebook.Avant chaque voyage, je me renseignais sur les meilleurs plans auprès de ma communauté de jet-setters. A mon retour, j’écrivais des petites revues, des tips pour ainsi dire, à l’attention de mon réseau d’amis cosmopolites. Après quelques temps, j’ai décidé de faire la même chose, pour un public potentiellement plus large, sur un blog. C’est ainsi que je suis devenu l’un des premiers blogueurs culinaires en France avec MrLung.com.

– Peux-tu me dire quelles techniques de narration que tu emploies à tes articles ?
Au départ, ma spécificité est dans la chronique, car je ne donne pas dans la critique au sens classique : je narre une expérience ponctuelle et émotionnelle. Avec qui ? Par quel temps ? Dans une ambiance romantique ou business ? Ça se lit comme une histoire. A présent, mon souci est qu’on lit de moins en moins, car les gens réagissent à des images. La pire remarque qu’on puisse me faire c’est « ça a l’air bon ! ». C’est comme lorsqu’on est devant Top Chef : on regarde, mais on ne sent rien, on ne goûte rien. Je trouve ça navrant.

– Et sinon, comment arrives-tu à te faire rémunérer ?
Orgyness est principalement une vitrine : le site, son design, sa ligne éditoriale, la plupart du contenu qui y figure (textes, photos et vidéos), c’est ma création. Il s’agit donc d’un espace de publication et de diffusion grandeur nature de ce que je peux proposer en termes de services en marketing, communication, branding et création de contenu. J’y présente une expertise métier et une connaissance sectorielle.

– Est-ce qu’il ne test pas difficile d’être impartial alors que tu vas dans des endroits où tu es invité ?
Non, je suis indépendant et j’écris toujours librement, je n’ai pas de publicité sur le site par exemple. Ensuite, aucun billet n’est sponsorisé, je ne fais jamais de brand content. Si quelqu’un souhaite réaliser un film ou créer du contenu, je facture la production, la réalisation et le conseil comme une agence et ce n’est pas publié sur Orgyness. Avec mes collaborateurs, nous avons une posture claire : notre opinion ne peut être entachée de questions pécuniaires. Si j’écris que c’est bon, c’est que j’ai trouvé ça bon !

– Peux-tu nous donner tes meilleures adresses du moment à Paris et ailleurs ?
Une de mes adresses du moment à Paris est Tomy & Co dans le 7ème arrondissement. C’est une cuisine française, contemporaine, avec une patte personnelle et une belle carte de vin, le tout à des tarifs très abordable. A découvrir.
Autre endroit que j’aime beaucoup : chez Christophe Pelé au Clarence, un immeuble hors du temps qui pourrait ressembler à chez ta vieille tante ambassadrice anglaise. Il a récupéré 2 étoiles Michelin en quelques mois à peine.
A l’étranger, j’ai une adresse que je donne à tout le monde, c’est Mak’s Noodles à Hong Kong.

– Oui, mais en même temps il faut y aller.
C’est pour moi les meilleurs raviolis aux crevettes du monde. A chaque fois que j’atterris là-bas par le vol du matin, je m’y précipite à peine les bagages posés.

– Et sinon ta plus grande déception ?
Massimo Bottura à l’Osteria Francescana, à Modène : premier au 50 Best en 2016, trois étoiles au Michelin, et une facture pour le moins impressionnante… pour une expérience décevante. Non pas parce que ce n’était pas bon, mais si avec toutes ces distinctions, il n’y a pas deux ou trois « wow » pendant le repas, c’est que tu as perdu ton temps. Sans compter l’investissement du voyage, puisque j’organise ce type de périples à ma charge.

– Quels conseils pour une personne qui voudrait faire la même chose que toi ?
Déjà avoir faim et soif. Il faut s’éduquer le palais et surtout éviter de trop regarder la télé.

– Et demain ?
Mon ambition actuelle, c’est de jeter des ponts culturels entre Hong Kong et la France, ce sont deux peuples amoureux de la bonne chère qui ont beaucoup à gagner à mieux se connaître, et qui méritent de se rapprocher.

Son site web : https://www.orgyness.com/

Merci au Drawing Hotel à Paris de nous avoir accueilli : http://www.drawinghotel.com/