VANESSA GUIDE – Comédienne, à l’affiche de Going to Brazil


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Rendez-vous au restaurant du Klay, salle de sport incontournable du centre parisien. Vanessa sort à peine d’un entretien. Elle me fait part de sa surprise dû à l’intention du photographe de vouloir faire correctement son travail (bien évidemment), et de s’être un peu installé afin de faire ses photos alors que le restaurant grouille de monde. Exprimant ainsi sa grande timidité et ne voulant pas moi-même retourner le restaurant, j’essaie avec mon matériel de prendre le moins de place possible, malgré ma carrure, m’installant de travers sur ma chaise, allant même me provoquer de petites crampes. Mais c’était sans compter que Vanessa allait sincèrement installer un climat de détente cher au sauna qu’on aurait pu trouver dans l’enceinte de l’établissement. Tout d’un coup, ça va beaucoup mieux. Voici la retranscription de notre échange.

– C’est très bon les lentilles.
J’ai faim. Tu en veux un peu ?

– Non, ne t’inquiètes pas, je vais peut-être prendre la même chose.
T’as raison, c’est très bon.

 – Alors ! On va commencer l’interview. Vanessa, tu viens d’où ?
Je viens de Besançon. De ma naissance, jusqu’à mes 18-19 ans. J’y ai étudié les Arts du Spectacles pendant 2 ans. Et je suis montée à Paris après mes deux premières années de fac.

– Direct ? Tu savais déjà à l’époque que tu voulais évoluer dans le métier ?
J’ai fait au départ un bac économique et social pour rassurer les parents.

 – Tes parents ne croyaient pas en toi ?
Mon père si car je pense qu’il aurait aimé être comédien. Il m’a donc soutenu dès le départ. Mais ma mère était plus réticente ça, de son point de vue, je ne connaissais personne dans ce milieu, que c’est un métier difficile, qu’il y a peu d’élu. Et elle n’a pas tort. Mais je lui ai tout de suite dit que je ne voulais pas vivre avec des regrets et qu’il fallait donc laisser tenter ma chance.

– Est-ce qu’il y a eu quelqu’un dans ta famille qui a pu t’influencer dans ce choix de devenir actrice ?
En effet, je suis née dans un cinéma. Le cinéma appartenait à ma grand-mère. Je me perdais dans ses grandes salles et j’y ai certainement découvert mes premiers amours avec la pellicule.

T’y as découvert tes premières idoles ?
J’ai beaucoup de vieilles idoles. J’adore Romy Schneider ou Ingrid Bergman par exemple. Mais j’en ai aussi beaucoup dans la musique comme Prince, The Smiths, Depeche Mode, The Cure… Mais pour revenir au cinéma, petite j’aimais bien les vieux films, j’ai vu beaucoup de péplums certainement dû à la culture de ma grand-mère. A dix ans, je regardais la Traviata et l’actrice qui jouait le rôle principal (ndlr : Teresa Stratas) faisait vraiment très malade, elle me faisait très peur, et pour m’embêter ma sœur n’arrêtait pas de me dire quand je faisais une bêtise, que la Traviata était derrière moi et cela me traumatisait.

– Sinon lors de ton adolescence tu as continué à t’inspirer de certaines personnes ?
J’ai commencé les cours de théâtre vers 12-13 ans et je n’ai jamais arrêté. L’envie a commencé toute petite lorsque mon père me lisait des histoires pour m’endormir, il me lisait Tintin et il prenait des voix différentes pour chaque personnage. Ensuite, c’était des pièces de théâtre qu’il me lisait. Du coup, j’ai commencé les cours avec monsieur Lampert qui fut mon père de théâtre… C’était mon prof de français en 6e, et c’est lui qui m’a demandé de venir à son atelier théâtre alors qu’il enseignait normalement à des élèves plus âgés.

– Tu penses que tu avais un physique déjà ?
Je ne sais pas trop à quoi je ressemblais ado. J’avais peut-être un truc à la Mathilda dans Léon, les cheveux au carré, mais je faisais surtout jeune fille de bonne famille. Après j’ai cassé les codes.
J’ai continué en même temps le lycée, puis le conservatoire de Besançon. Juste après, j’arrive à Paris. Et je n’avais pas vraiment envie d’être perdue la masse, comme ça peut par exemple être le cas aux cours Florent, déjà que j’arrivais de ma province, toute timide. Je suis allée dans un cours, qui s’appelle la Cuisine, dirigé par Justine Heynemann où on était 12 élèves. C’est ce côté artisanal et familial qui m’a permis de me lancer plus facilement dans le métier. C’était des cours pluridisciplinaires et éclectiques on travaillait aussi bien je jeu d’acteur, que la mise en scène, le clown, la danse, le chant… C’était dense et très enrichissant. Puis au bout de 3 ans, je vais pour me réinscrire, et c’est alors que Justine me dit que non, que j’étais prête, qu’il fallait juste que j’ose me lancer. Et elle a bien fait car j’ai travaillé assez vite, au théâtre, mais aussi en faisant beaucoup de courts-métrages et de la pub…

– T’as fait partie d’une troupe ?
Oui j’ai eu l’opportunité de jouer une pièce, avec Justine justement, qui s’appelait Rose Bonbon, une sorte de Vénus Beauté au théâtre. Les destins croisés de cinq femmes au sein d’un salon de coiffure. Je jouais une post adolescente rebelle qui arrivait comme apprentie, et qui, au contact de ses collègues, trouvait sa voie et devenait plus adulte. Je me suis un peu reconnue dans ce rôle d’ailleurs… En parallèle, je ne faisais pas mal de pub. C’était un bon exercice car pas toujours simple. Je me souviens notamment avoir fait de la danse contemporaine avec des fraises imaginaires pour de la confiture en Allemagne, et là tu te dis : si je suis capable de faire ça, je peux tout faire…

– Puis ça t’entraine pour les castings.
Oui, ça désacralise l’exercice, qui, quand on en passe peu, est assez effrayant. Du coup, j’étais beaucoup moins stressée quand j’en passais pour des films ou des séries qui avaient de plus gros enjeux. Je n’ai donc jamais dénigré le fait d’avoir fait des pubs, c’était un bon entrainement. J’en vivais en plus.

– Ah oui ? Tu devais avoir quelque chose en plus que les autres alors non ? tu t’en rendais compte ?
Je ne sais pas ce qui a fait que… Surtout que dans ma catégorie de jeune brunette pétillantes on est nombreuses. Peut-être que j‘avais l’air détachée. Le fait de venir de ma province, j’avais certainement plus d’auto-dérision, peut-être moins blasée aussi… Mais bon, à côté de ça, j’avais souvent des déceptions quand je passais des castings pour des longs, j’étais très souvent dans les deux ou trois qui ont suscitées de l’intérêt mais je n’étais jamais prise… A ce moment-là, on me disait « Ne t’inquiètes pas, la roue tourne ». Moi ça me laissait dubitative. Mais finalement, c’est un peu comme si on nous testait pour voir qui sont les plus persévérants, qui va résister à l’écrémage naturel. Et puis j’ai du apprendre à utiliser ma propre personnalité comme un atout. Ma prof ne comprenait pas pourquoi je voulais toujours jouer du drama, des rôles de folle, d’écorchée vive, comme Ophélia dans Hamlet, alors qu’il était important d’accepter de me montrer moi, d’avantage, mais je me trouvais tellement inintéressantes, que je me cachais derrière des rôles forts.

– Aujourd’hui je te vois plus jouer dans des rôles de comédie ou de burlesque.
Oui, mais à l’époque je ne voulais pas. Je ne voulais jouer que dans des drames, m’ouvrir les veines quoi. haha!

– Tu voulais déjà avoir ton Tchao Pantin ?
(Rires) non, mais j’étais dans une période de rébellion, de quête identitaire. A l’époque je me disais « La vie c’est dur, j’ai pas trop envie de rigoler » mon petit côté Mylène Farmer quoi…

– Présente-moi un peu ton taf.
Alors dans le métier de comédien, il y a deux choses distinctes : être sur scène donc au théâtre, et être devant la caméra. Au théâtre tu travailles beaucoup en amont, et dès que tu montes sur scène, dès la générale (ndlr : répétition finale dans les conditions d’une représentation en public), plus rien ne t’arrête jusqu’à la fin de la représentation. T’es dans une énergie tenue, dans l’histoire, dans ton personnage. Alors qu’au cinéma, déjà tu ne fais que très rarement les plans dans l’ordre chronologique du scénario. C’est plus dur de garder une énergie constante car tu es toujours coupé entre deux prises. Quand on doit y aller, faut être hyper focus et concentré, alors que 2 minutes avant t’étais en train de rigoler en backstage ou de faire une sieste. C’est plus un travail en dents de scie, mais tu peux refaire les prises, alors qu’au théâtre tu es sans filet.

– Tu as une préférence ?
On me l’a souvent demandé. Mais c’est trop différent. Et lorsque je fais du théâtre, le cinéma me manque et vice versa.

– Et comment tu as commencé la télé ?
Par hasard ! J’ai passé un casting pour Canal + avec Christelle Graillot, pour le projet d’émission le Débarquement avec Jean Dujardin, Guillaume Canet, Gilles Lelouche et plein d’autres… Il voulait faire un genre de Saturday Night Live. J’ai participé aux 2 épisodes et j’ai rencontré Renaud Le Van Kim et Guillaume Lacroix qui sont devenus mes boss. Ils m’ont proposé de faire un format court qui s’appelait « Pendant ce Temps » avec notamment Kevin Razy, Alison Wheeler, Kemar… de fil en aiguille, Guillaume me propose de faire un pilote pour de fausses actus, en direct, pendant le grand Journal. C’est alors que je rencontre Monsieur Poulpe.

– Tu le connaissais avant ?
Pas du tout ! Très belle rencontre d’ailleurs, j’ai énormément apprécié travailler avec lui. Il a presque un côté féministe, il voulait que je me sente à l’aise et défendait l’idée que je puisse être aussi trash que lui dans mes répliques. Pendant trois semaines on s’est entrainés comme si on allait faire les directs, mais sans savoir si le concept allait être validé par la chaîne. On était au milieu de l’année, donc encore plus improbable de prendre en cours l’émission. Puis au final je suis restée un an et demi avec Monsieur Poulpe à faire « Le rappel des titres » dans le Grand Journal. Jusqu’à ce que je doive partir pour le tournage d’Aladin. C’est alors qu’Alison Wheeler m’a remplacée. Elle a tellement assuré qu’ils ont décidés de lui proposer la météo avec Poulpe, on l’avait donc en garde partagée !

– Par rapport à Aladin, est-ce que tu as été touchée par certains mauvais retours de la presse ? Alors qu’il a trouvé son public en salle.
Lors des tournages on ne sait jamais ce que cela va donner au final. Moi j’étais hyper contente de ce projet. C’est le genre de rôle que tu attends pendant longtemps. Lorsque Arthur Benzaquen (le réalisateur) m’a confirmée que le rôle était pour moi, je l’ai fait répéter cinq fois avant de bien réaliser. J’ai été tellement de fois mise en option et finalement pas prise, que j’avais du mal à y croire. Et là je me retrouve sur 2 mois de tournage, à l’étranger, dans des palais somptueux, dans le rôle d’une princesse déjantée avec des robes sublimes… Puis j’ai eu la chance de tourner avec Eric Judor, Jean-Paul Rouve, Michel Blanc et puis avec Audrey Lamy et William Lebghil qui sont devenus des amis. Même Kev Adams que je ne connaissais pas, a été une très bonne surprise, ça a été un super partenaire : professionnel, accueillant et drôle. Donc superbe ambiance, même si très fastidieuse, car on avait de longues journées dans une chaleur souvent insoutenable. Mais tous les jours je me réveillais fière de faire partie du projet. Et je trouve que le résultat est là, c’est un bon divertissement, un film grand public, dans le bon sens du terme, avec toute la générosité que ça implique. Et puis c’est le film qui m’a donné ma chance, donc je ne peux que le défendre !

– Enfin ! Parle-moi de ton actualité ! Que se passe t’il en ce moment ? Les journalistes ont certainement dû te poser mille fois la question.
(rires) Oui et bien le 22 mars sort le film « Going To Brazil » de Patrick Mille dans lequel je joue…

– Et bien merci pour cette réponse. On en a fini avec ton actualité passons maintenant…
(rires) what ?

 – Non je déconne. Tout s’est bien passé ? Encore un beau voyage, je suppose ?
Et oui le Brésil. Incroyable ! C’était un peu un rêve d’y aller. Au préalable, j’avais quelques appréhensions, je ne pensais pas que c’était une destination idéale pour une fille seule avec son sac à dos. Mais au final, maintenant que je connais j’ai presque hâte d’y retourner en touriste et visiter d’avantage le pays. Avec l’équipe ça a été intense, de vraies belles rencontres. On était loin de tout pendant deux mois, donc on s’est recréer une ambiance chaleureuse et familiale. Patrick est extrêmement drôle et bienveillant. C’est un énorme bosseur, il ne nous a pas lâchées, mais c’était pour le bien du film.

– Est-ce qu’on peut appeler ce film, un film féministe ?
Par certains côtés oui. Patrick adore les femmes. Il a envie d’écrire pour elles, de les mettre en valeur. Son premier film « Mauvaise Fille » avec Izia Higelin qui remporta le César d’espoir féminin pour ce rôle, en est la preuve. Puis, c’est un film de filles fortes, même si elles ont des tonnes de faiblesses et de défauts, ce ne sont pas des filles « girly » ou potiches, ce sont des héroïnes modernes, mais auxquelles on peut s’identifier, car pas infaillibles. Elles ont les rôles principaux ce qui est assez rare et elles ne servent pas l’histoire pour une cause masculine, elles ne se battent pas pour le cœur d’un garçon par exemple.

– Maintenant donne-moi une phrase que l’on pourrait inscrire sur ton épitaphe ?
J’ai envie de dire une connerie, mais je vais citer Amel Bent « Visez la lune, ça ne me fait pas peur » (rires)

Merci au Klay de nous avoir ouvert ses portes pour l’entretien.