JULIE BARNAY-EXERTIER – Fondatrice de la marque de cosmétique Exertier
– Hello Julie ! Peux-tu te présenter s’il te plait ?
Alors, je suis Julie Barnay-Exertier. Je suis présidente de la marque Exertier, marque de cosmétique premium autour de la Savoie.
– D’où viens-tu ?
Je viens de Chambéry en Savoie. Après je suis allée à Lyon et je suis arrivée à Paris afin d’y faire mes études.
– Tu as fait quoi comme études ?
J’ai fait l’ISEM, l’école de commerce d’ESMOD, et j’ai fait l’ESSEC. J’y ai fait un MBA (Master of Business Administration) créé par l’Oréal, spécialisé dans la stratégie de marque de luxe.
– Que voulais-tu faire quand tu étais petite ?
Je voulais être styliste. Je prenais les foulards de ma grand-mère et je faisais des robes avec. Je prenais des épingles à nourrice et innocemment, je trouais ses foulards en soie. Attention, je faisais ça aussi avec des sacs poubelle, un tant soit peu avant-gardiste quand on voit certaines collections d’aujourd’hui. Ma grand-mère était vraiment cool, elle me laissait faire.
– Revenons à tes études. A la fin de ton cursus tu es diplômée, qu’est-ce que tu commences à faire ?
Alors à la fin de mes études, je bosse déjà chez Kenzo et chez Jean Paul Gaultier. J’y faisais femme à tout faire dans le service de presse. Mon travail consistait aussi bien à chercher des habits de Marquis pour des événements afin d’habiller les mecs qui servaient du thé à la menthe, que de faire une recherche de timbres spécifiques pour les invitations.
– Cela m’a l’air d’avoir été une occasion pour un événement en particulier.
Oui, c’était pour un défilé chez Gaultier qui s’appelait Marquise dans le désert. Et du coup on avait pris des serveurs du resto marocain d’en bas qu’on avait habillés en marquis et ils servaient le thé pendant le défilé.
Ensuite, lorsque j’ai débarqué véritablement dans le milieu du travail, on était en septembre 2001. Les tours à New York venaient de tomber ainsi que le domaine du luxe. Je me suis donc tournée vers des marques de prêt à porter en me dirigeant dans le Sentier. C’était loin de mon rêve de gosse, mais j’y ai appris énormément. J’ai pu participer à des collections qui marchaient très bien. J’y ai monté une marque pour les filles rondes. J’avais à peine 25 ans. Cela s’appelait Julie Envy. Malheureusement, le niveau de stress étant trop important à gérer, j’ai dû arrêter au bout de 5 ans.
– Genre burn out ?
Oui, trop de stress, trop de choses à gérer alors que j’étais toute seule. Je répondais à mes mails à 4 heures du matin quand j’avais le temps, je ne prenais pas de week end, je prenais une semaine de vacances par an.
– Quel était selon toi la véritable cause de cette accumulation de stress ?
On était les premiers vraiment à se lancer dans le business de vêtements pour femmes rondes. En tout cas, de celui qui dessinait autre chose que des robes cousues à partir des rideaux de ta grand-mère. On était dans la stratégie du Blue Ocean, comme on l’appelle. C’était un milieu sans compétiteur. A la fois cool, mais à la fois on arrivait dans un marché qui n’était pas structuré. Donc soit on avait des vêtements en toile de tente comme je te disais, soit des fringues tendances comme on faisait, mais dont le marché de distribution n’existait pas. Et cela a été difficile de le créer. Et il est arrivé qu’à un moment à force de me battre, je n’ai plus pris de plaisir dans ce que je faisais. J’avais même pris la décision que je ne monterai plus jamais d’entreprise.
– Jusqu’à Exertier ?
Non car finalement c’est à ce moment que je fais mon MBA, pendant un an. On est en 2010. Pendant ce temps, je ne lâche pas la mode. Je deviens même styliste de stars. Le hasard a fait que, pendant ce temps, je rencontre Marylou Berry, Mélanie Laurent, Michèle Laroque… Avec Mélanie, je suis parti à Cannes pour Inglorious Bastard. C’est là où on buzz dans tous les magazines de style grâce à son smoking blanc Yves Saint Laurent, celui qu’elle porta sur le tapis rouge. A partir de ce moment, on ne s’est plus quittées pendant 2 ans, moment pendant lequel je me suis occupé de son vestiaire.
– Penses-tu que ton statut de fille entrepreneuse puisse te bloquer à certains moments ?
Alors, je suis une fille, blonde et qui fait jeune. Je suis toujours en train de me justifier au travail. Je me sens obligée de dire mon âge par exemple, car très souvent on pense que je sors d’école. Je déteste les préjugés. La dernière fois, je faisais un speech dans une boite de financement devant 15 mecs. J’arrive pour parler de mon domaine dans l’entreprenariat en cosmétologie, les mecs me disent direct : «oui, heu… dans mon couple, c’est ma femme qui met de la crème»… Mais, allo les gars, on ne parle pas crème hydratante, on parle business !
– Tu te sens militante féministe ?
Oui, je suis très girl power. Je fais partie de beaucoup de cercles. En autre, je suis très inspirée par Vivianne de Beaufort qui a écrit un livre géniale sur la génération startupeuse. Je suis aussi jury pour des programmes d’entreprenariat pour les femmes, où on leur apprend à être plus ambitieuses et à ne pas s’auto-censurer.
– Parfait ! Et donc après le MBA ?
Je deviens directrice générale d’une jeune marque de maroquinerie. C’est à ce moment que je tombe enceinte. Je quitte mon poste de DG et je suis la tournée de Michèle Laroque et Pierre Palmade pour être leur costumière.
Ensuite je change encore de secteur et je deviens directrice de développement d’une boite de crowdfunding spécialisée dans le long métrage, Touscoprod. C’est avec elle que Michèle Laroque s’est investie afin de réaliser son premier long métrage participatif. D’ailleurs on est assez fières, car ils sont en ce moment même en plein tournage.
Après cela, je décide enfin de monter Exertier.
– Alors explique nous le concept.
Exertier, c’est mon nom de jeune fille. Il fait partie des plus vieux noms savoyards. Cela veut dire « défricheur », celui qui rend la terre inculte en terre cultivée. On avait envie de mettre en valeur les produits de notre région, autre que la raclette et la tartiflette. C’est la région où il y a le plus de chefs étoilé et le plus de palace de France (hormis Paris), il ne faut pas l’oublier.
Exertier, est à la base une marque de soin hydratant anti âge, basée sur des ingrédients rares de Savoie. Nous avons une première gamme dont l’ingrédient phare est une orchidée qui s’appelle le sabot de Vénus. Une des plus rares d’Europe et qui pousse tous les 5 ans, en Tarentaise à Courchevel.
– Pourquoi cette orchidée en particulier ?
Mon arrière arrière-grand-mère faisait déjà un hydrolat à partir du sabot de Vénus, une sorte d’infusion de fleurs. C’est donc presque une recette de famille. A partir du moment où j’ai appris cette histoire, je me suis associée avec le pdg d’Avène, Pierre Schooneman. Il a tout de suite été emballé. On a fait à partir de cela une R&D (Recherche et Développement) de 2 ans, d’où est sorti 5 produits ultra naturels et très efficaces.
Mettant en valeur la région et son innovation, la Tarentaise nous a aidé grâce à un financement régional. C’est la première fois que cela arrive. Le développement et la distribution s’est fait ensuite assez rapidement. On est dorénavant en pharmacie, chez Monop’ Beauty, Montaigne Market, bientôt dans un fameux concept store parisien (ndlr : Colette, rue du faubourg St Honoré).
Parfois aussi on fait des choses assez folles comme construire des bulles transparentes où on peut se faire faire des soins de SPA à ciel ouvert, cela sur les pistes de Courchevel.
– Le sabot de Vénus étant interdit à l’arrachage depuis 1980, comment faites-vous pour vous en procurer ?
On a un deal avec un orchidéiste qui nous fait pousser la fleur, et on a un agrément du ministère de l’environnement pour la faire pousser en serre, plus un autre agrément pour détruire la racine. Et comme on a augmenté la production de cette fleur grâce à la culture en serre, on arrive à maintenir la fleur en vie sur la planète contrairement à ceux qui l’arrachent en pleine nature, ce qui est complètement interdit.
– Qu’apporte cet ingrédient, le sabot de Vénus, par rapport à ceux qui sont dans les produits que tu trouves en grande surface ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que cette orchidée est une plante extrêmophile, elle vit avec très peu d’eau, peu de soleil. Elle a besoin de 30°C d’écart entre le jour et la nuit pour survivre. Du coup dans ses racines, elle est blindée d’actif. Elle y stocke énormément de molécules antioxydants, ce qui empêche l’oxygène de dégrader ta peau.
A minima on a 90% d’ingrédients qui sont le top du top comme du beurre de karité, ou de l’huile de pépins de raisin et en même temps on rajoute un conservateur intelligent et qui ne va pas être un perturbateur endocrinien, comme on en entend beaucoup parler en ce moment en cosmétique.
On utilise du papier recyclé. On met aussi les crèmes dans du verre opaque afin que cela ne dégrade pas les formules.
Bref, on travaille de manière très précise, mais tout en n’étant moins cher que La Prairie. Et par exemple, La crème Guerlain à l’orchidée vaut le même prix que l’ensemble de notre rituel beauté.
– Tu as une actualité ?
Oui ! Je me suis associé avec un apiculteur local qui s’appelle Patrick Schmitt. Il fait un miel à 2000 mètre d’altitude. Et comme à Courchevel, il n’y a pas d’agriculture, il n’y a donc pas de pesticide et ça depuis 60 ans.
Il fait un miel très très riche en sucre et du coup on a développé un extrait réparateur et hydratant et ce sera quatre produits qui sortiront en bouteille fin juin 2017.
– Est-ce que la marque Exertier est une marque Bio ?
Non, elle est naturelle. Je ne crois pas aux labels.
– Bon ! Et après tout ça, lorsque tu as le temps et que tu veux te détendre, tu vas où ?
J’aime bien aller au Grand Amour, déjà parce que tu y manges bien, ils font de bons cocktails et c’est à côté de chez moi et de nos bureaux.
A part là, on va souvent au Richer, rue Richer, c’est un bar-café-restaurant très sympa, monté par Charles Compagnon, celui qui a créé Chaud, Chaud, Chaud sur internet. Meilleur qualité prix de Paris.
Et sinon sur mes terres savoyardes, Au Fidèle Berger à Chambery avec qui on a fait une collab. C’est un salon de thé classé monument historique tenu par certainement un des meilleurs pâtissiers français. On a fait un gâteau au miel de Courchevel avec lui. C’est un gâteau de voyage spécialement conçu pour que tu le manges dans le train : Le Savoie-Paris, comme son nom l’indique.
– Une phrase sur ton épitaphe ?
« Elle mangeait des Hommes et crachait des diamants »
Son site web : http://www.exertier.fr