Johnny Jane – The girl next door, modèle érotique
– Jane, présente toi, nom, prénom, qualités et… domaines de prédilection.
Je m’appelle Johnny Jane, j’ai trente ans. J’habite Paris depuis dix ans Je suis née à Montpellier. J’y ai passé mon enfance et un bac classique, littéraire, et comme beaucoup de gens là-bas, je me faisais chier, donc je suis venue à Paris.
Je n’ai pas commencé tout de suite à être modèle, j’ai d’abord bossé dix ans comme hôtesse d’accueil. J’ai arrêté il y a deux mois, après un ulcère. Dans ce métier, je n’aimais pas être obligée de porter une tenue spécifique surtout formulée par les hommes car j’aime être libre de mes choix vestimentaires, être sexy quand je le souhaite. C’est quelque chose qui me déplaisait, devoir mettre des talons, être bien maquillée, en petit tailleur…
– Et qu’est ce qui a fait que tu soit devenue hôtesse ?
C’est un job facile à faire et rapide à trouver.
– Parce que justement, on ne demande rien d’autre à une hôtesse que d’être présentable, jolie et feminine ?
Voilà, t’es grande, t’es jolie, tu sais sourire, tu peux faire hôtesse. J’ai vraiment commencé comme ça en plus, « en pied d’immeuble » comme on dit dans le jargon. On ne te demande rien, à part de sourire et d’ouvrir une porte. Je gagnais mon petit salaire, ça me permettait de faire mes trucs. J’étais déjà attirée par l’érotisme, mais je ne connaissais pas du tout le milieu. Je sais que c’est cliché, la petite provinciale, un peu naïve, qui déboule de Montpellier, attirée par un truc qu’elle ne connait pas…
Et puis j’ai commencé à rencontrer des gens du milieu de la photo à Paris.
– C’est à dire ? C’est vaste comme milieu, comment as tu rencontré les gens avec qui tu travailles aujourd’hui ?
Je trainais avec pas mal de gauchistes, de loin on pourrait dire altermondialistes, mais plus CNT (Confédération nationale du travail, NDLR). On faisait des soirées qui ne s’arrêtaient jamais, ça m’a émancipé sur beaucoup de sujets et forgé une conscience politique. Les conditions de logement à Paris étant ce qu’elles sont, j’ai fait beaucoup de colocations. Un jour, dans une collocation à quatre, j’ai rencontré une photographe en herbe qui m’a proposé de poser pour elle pour qu’elle se fasse la main. De mon coté je suis très ouverte, j’ai toujours assumé mon coté « sexy » et le fait d’en parler librement, de questionner et me questionner dessus, de savoir quelle place doit prendre le sexe dans ma vie, dans nos vies et d’aimer ça. Contrairement à beaucoup de femmes, surtout jeunes.
– Donc tu penses que tu as une sexualité débridée ?
Je ne sais pas. Certainement. D’abord dans le discours. Je n’ai aucune pudeur à aborder des sujets que la morale chrétienne réprouve. je parle ouvertement de ce que peu ose aborder.
-Tu as été élevée dans le respect de la morale chrétienne, la religion ?
Non, mais dans… La bienséance. Ma mère était mannequin, elle a fait des choses qui étaient très sensuelles, même si certaines étaient très érotiques, mais il y avait toujours une limite. Qui n’est pas la même pour moi.
-C’est quoi la limite à ton avis ?
La mienne n’est pas la même que celle de tout le monde, d’abord dans les sujets qu’on peut aborder avec les uns et les autres. Mais je dirais la pornographie. Bien qu’il existe du porn-art, des choses très belles, même avec des gros plans de bites et de chattes un peu partout.
-Donc selon toi ça va dépendre de la qualité de la photo, de la lumière, des poses ?
Pas forcement, car c’est un jugement qualitatif qui varie vraiment selon les personnes : tu peux avoir un truc super cru, une grosse giclure de sperme qui peut être super belle alors que c’est très cash, avec de la lumière vive genre pute d’Amsterdam, néon rose et compagnie. Ca peut être beau pour certains et pour d’autres complètement dégueulasse, tabou. La limite est dans la balance que tu fais entre le besoin de vendre une image, de commercialiser un produit et l’exigence artistique qui participe à sa création. Comme dans le travail d’Erika Lust, c’est ça que j’appelle du porn-art, avoir un univers , un imaginaire et essayer d’atteindre le grand public.
En ce moment je travaille sur des videos que j’aimerais présenter au Porn Festival de Berlin, qui est un festival complètement dingue où il y a une vraie exigence esthétique dans les travaux qui y sont présentés. C’est un univers qu’on n’a pas encore vraiment découvert en France, ça reste très confidentiel.
J’ai pourtant arrêté un moment à cause d’un mec, qui était photographe et qui a finit par faire face à ce dilemme très masculin de vouloir forcement mettre sa meuf soit dans la case putain soit dans celle de la mère de ses enfants. On s’est séparés et aujourd’hui je suis contente de laisser ce coté de ma personnalité exploser. Je me suis pas mal cherchée au départ, j’ai beaucoup voyagé et je le refrénais complètement. Plus je le faisais, plus ça devenait fort, il fallait que ça sorte…
-Tu peux nous parler des projets qui t’ont le plus tenue à coeur ?
J’ai adoré travailler avec Jessica Rispal, qui est l’éditrice de « Le Bateau », le magazine érotique qu’elle à crée il y a deux ans. J’ai posé pour elle il y a cinq ans. Elle m’a vraiment mis le pied à l’étrier, fait découvrir une beauté, un esthétisme que j’adore. Grace à elle j’ai découvert d’autres artistes qui m’ont permis de m’ouvrir à beaucoup d’autres choses. D’ailleurs on voit bien mon évolution entre la petite provinciale qui débute et découvre son érotisme dans le travail de Jessica, qui le peaufine avec mon travail avec Stephane Arnoult de Cinébulle et maintenant avec Nilakantha.
-Et tu gagnes des sous avec ça ?
C’est particulier. Ca fait un an et demi maintenant que je demande à être rémunérée pour faire du nu. Surtout quand on vient me chercher et que je ne suis pas forcement fan du travail du photographe. Après si je tombe vraiment amoureuse d’un travail, la question ne se pose pas. Ce n’est pas l’argent qui me motive. Il n’y pas eu de publications, mais des acheteurs privés et quelques parutions.
-Et ce que le fait de te montrer en photo est pour toi une thérapie, une vengeance peut être, ou un message que tu veux faire passer, une sorte de rébellion ?
Ma soeur me dit que quand elle regarde mon travail elle sait quand je suis dans la provocation. C’est aussi une histoire de séduction de soi-même, de narcissisme. Je pense qu’on commence à poser pour se rassurer, on a pas toujours confiance en soi et en sa propre beauté.
-C’est donc un manque de confiance en toi que tu as cherché à guérir ?
Au début ça l’était. Même si, encore aujourd’hui, je ne suis pas confiante sur tous les shootings. Mais ça ne m’effraie pas non plus. J’ai compris que j’étais une performeuse plus qu’une modèle. J’aime rentrer dans des rôles, proposer des choses. Me servir de mon corps pour créer et pas seulement pour me rassurer sur ma beauté comme à mes débuts.
J’adore vraiment l’image, en créer, en bouffer des tonnes pour l’inspiration, la vivre dans la multitude…
-Tu penses que tu fais des sacrifices en faisant ce métier, que ça peut t’interdire de faire d’autres choses ?
Non. C’était le cas avec mon métier d’hôtesse. C’était un vrai sacrifice de faire quelque chose qui ne me plaisait pas pour avoir un salaire à la fin du mois. J’ai fait le choix d’arrêter pour faire ce qui me plait, même si économiquement c’est plus dur.
-Ca dérange certaines personnes ce que tu fais ?
Oui, bien sûr. Il y a forcement une question de pudeur et aussi de générations. Au début je postais tout sur Facebook, en floutant là où il fallait bien sûr. Ça a terrorisé ma mère qui avait presque l’impression que je me prostituais. C’est juste que je n’ai pas de pudeur, que ça correspond à la performeuse que je suis, et à mon envie d’exciter et de provoquer les gens. Je sélectionne beaucoup ce que je fais donc mon message est très clair et les bons retours que j’ai le confirment. J’essaie de faire un truc assez dark et coloré, entre le métal, le geek et le fétish.
-C’est quoi ta marque de fabrique, ta valeur ajoutée ? Pourquoi on vient te chercher ?
J’ai une réponse très concrète. Il y a dans ce métier le problème de la limite modèle/photographe : je bande pour toi, donc j’ai envie de te shooter et de te baiser. Mais même si on fait de l’érotique, je n’aime pas faire face à ce genre de situation. J’essaie de voir plus loin, de proposer. Il m’est arrivé, avec quelqu’un qui a beaucoup de talent et dont j’adore le travail, de comprendre qu’il y avait une certaine séduction, sans qu’il ne m’ait jamais dit ou fait comprendre quoique ce soit. Il m’avait proposé une série qui ne me plaisait pas, je lui ai proposé des dessins, qu’il a aimé, ainsi que ma démarche dont il n’avait pas l’habitude. On a fait la série en duo, avec mes dessins en rèfs. Ma valeur ajoutée c’est ça, apporter une performance au travail de l’artiste, quand je le comprends.
-Comment tu es arrivée dans le fétichisme ?
J’ai fait de l’érotique pendant plusieurs années. Du très classique, genre je montre mes seins, en portant de la lingerie Et j’ai accepté de poser pour Nilakantha. Il fait beaucoup de fétish. J’ai toujours voulu en faire mais je me posais des questions : c’était un cran au dessus de ce que je faisais, on se sert d’accessoires, on est attachés. Puis on ne sait pas où on peut tomber, si on peut faire confiance au photographe…
Mais la rencontre s’est super bien passée, humainement il m’a de suite mis très en confiance. J’étais très contente d’avoir osé, de m’être jetée à l’eau. Je suis sortie transformée de ce shooting, en me disant que j’avais trouvé mon truc.
-Quelle est la chose que tu as faite où tu t’es sentie le plus mal à l’aise ?
D’abord je n’ai jamais subi d’abus. J’ai un jour posé pour un photographe qui fait un travail curieux au Polaroïd. Il shoote les modèles dans des chambres d’hôtels. Bien que j’avais déjà fait des trucs pires que ce qu’il me demandait, il y avait un malaise sur ce shoot : sa recherche du crado à tout prix, les photos dégueulasses et le sentir en ébullition ! Pourtant je peux aimer cet univers glauque, les chambres d’hôtels un peu pourries, le coté crado, mais là… Le shoot à duré quarante cinq minutes, le temps de dix Polaroïd, où tu fais tout toi même. Tu sentais qu’il n’y avait pas de recherche esthétique et artistique, que c’était vraiment pour une collection perso.
-D’ailleurs c’est quoi ta limite ?
Il faut qu’il y ait une envie de créer de la part du photographe, de se projeter. Il faut que j’aime son talent, qu’il y ait un travail graphique. Si c’est un truc fait à l’arrache, j’aurai l’impression de répondre à un besoin sexuel plus qu’à une démarche artistique.
-Tu as des modèles ? Des influences ? Dans le métier ou dans ton entourage ?
Misungui pour son coté indépendant, sa force de caractère. Et sinon, Pierre Estable, un artiste peintre baroudeur qui a toujours vécu sa vie comme il l’entendait, qui se questionne en permanence, qui n’a jamais arrêté d’apprendre.
-Ton actu ? En tant que modele ou photographe…
Golden Silk et je travaille beaucoup avec des gens peu connus mais très créatifs.
-Des conseils à quelqu’un qui voudrait faire la même chose que toi ?
Suivre ses envies et être précis dans ses choix. Ne pas accepter tout et n’importe quoi pour faire de la production. Cibler ce que tu aimes et ne pas hésiter à demander, insister. Qui ne tente rien n’a rien.
-A propos de ce genre de phrases, tu en as une qui te correspond vraiment ?
« i dont do it for the name or the riches, the fame or the bitches »
-Pour terminer sur une note plus terre à terre, est ce que tu penses avoir trouvé ta définition du bonheur ?
Ah ah ah ! Oui. Pour moi c’est être fidèle à soi-même, à ses intentions, même si c’est contre la morale.
Ses sites :
Photographe : http://scrupules.tumblr.com/
Model : http://luxmesweet.tumblr.com/
Nudes & Fetish : https://roomnumero4.tumblr.com/