DAVID BORING, ESTEBAN – Vocal des Naïve New Beaters, comédien, réalisateur


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Il m’arrive rarement de suivre des enfants dans la rue. Mais celui-ci m’a tout de suite interpellé. Car malgré l’accoutrement coloré et son sac à dos à l’effigie d’un Popples, je savais que cet homme au style post adolescent, n’était autre que le leader vocal d’un groupe que j’apprécie particulièrement, surtout sur scène : Les Naïve New Beaters. Après m’avoir promis monts et cromesquis de chorizo, nous nous installâmes au rez-de chaussée de la Brasserie Barbes afin de parler de notre ami en commun Victor et de savourer une Naïve New Beer sortie tout droit du laboratoire Naïve Corporation International. La conversation n’en fût que plus intéressante.

– Bonjour !
Bonjour.

– Alors comment doit-on t’appeler ? David ? Esteban ? Ou Michael ?
Ah dis donc ! Jolie question ! Ça dépend de quoi on va parler. Si on parle de zic, appelle moi David. Si tu veux parler de ma mère, appelle moi Michael. Et si tu veux parler de cinéma, appelle moi Esteban, mais c’est dans ce secteur où je suis le moins qualifié.

– T’as quel âge toi ?
58 ans.

– Ok ! D’où viens-tu ?
Je viens de Paris essentiellement. Ma mère est vietnamienne, mon père est d’origine marocaine. J’ai un peu vécu aux Etats-Unis, et je suis d’inspiration soleil, ascendant capricieuse…

– Tu voulais faire quoi étant petit ?
Je sais que j’ai toujours voulu être Albert Einstein, mais plus du côté biologiste. Ensuite, vers dix ans, j’ai voulu être animateur radio et présentateur télé. Avec Victor, que tu connais, on avait monté une chaine qui s’appelait KitKat TV. Mais on était les seuls à la regarder.

– Ok ! Donc déjà tout petit tu avais une certaine envie de mettre en devant de la scène.
Oui peut-être ! Psychologiquement bien vu. Mais en fait cela vient d’un gars assez connu que j’avais croisé dans la rue avec mon père. Ce mec avait des soucis avec la Police mais finalement il ne lui est rien arrivé dû au fait qu’il était connu justement. Le flic l’avait reconnu et il ne lui avait pas mis de contredanse. C’est à ce moment-là que je me suis dit : « ‘tain, ça sert vachement d’être connu »…

– Ton père, il fait du cinéma c’est ça ? Tu as fais certaines choses dans ce secteur déjà tout petit ?
Oui, j’ai fait quelques petites apparitions. J’ai même fait mes classes avec Aldo Maccione.

– C’est vrai que c’était le roi de la classe d’ailleurs.
Tu m’étonnes, le mec savait faire. Par contre j’ai su qu’un jour Aldo avait voulu pisser sur un flic. Il était bourré, ils étaient en tournage au Brésil, et mon père l’a empêché d’uriner sur un flic là-bas. C’est assez mal vu de pisser sur un flic au Brésil.

– Comme dans bon nombre d’autres pays je crois.
Oui (rires)

– Et tu continuais l’école normalement ?
Ouais je suis allé à l’école, moi ! C’est bon ! Pourquoi on croit que je ne suis pas allé à l’école ?

– Parce que, par rébellion, tu en avais peut-être marre, ou tu voulais faire autre chose. T’aurais pu fuguer aussi, je ne sais pas.
Non non je n’ai pas fugué. J’ai juste fait le mur une fois à cause de Victor. Pour en revenir à l’école, j’ai fait mon cursus. J’ai même fait de l’International Business (ndlr : à lire avec l’accent), afin de développer les Naïve New Beaters à l’étranger.

– Ah donc tu assumes le fait que ton groupe, c’est un produit marketing ?
Ah oui ! c’est une multinationale artistique.

– Ok, et toi tu te considères comme un produit marketing ? Le personnage que l’on voit sur scène, c’est bien toi ? Ou un rôle que tu joues ?
J’ai toujours eu une voix bizarre, avec un accent. On m’a toujours dit : « Tu parles chelou ! ».  Alors au début je le prenais bien mais maintenant on me compare à Homer Simpson, alors je le prends moins bien.

– T’as fait des écoles pour être star de la musique ?
Non j’avoue, je n’ai rien fait, ni université de star, ni la Star Academy. Par contre, j’ai pris des cours de chant après avoir vu qu’en concert je ne pouvais pas chanter deux soirs de suite sans me casser la voix.

– Et sinon pour être star de cinéma ?
Alors non plus. Par contre on a fait notre projection le 16 mars de notre film Yo Pékin que j’ai réalisé, et ça s’est hyper bien passé. On diffuse le film depuis janvier 2016. A chaque fois qu’on joue dans une nouvelle ville, j’essaie toujours de trouver un endroit pour le diffuser en amont de notre concert. Mais là, mes potes en ont un peu marre que j’essaie de le refourguer partout.

– Il n’est pas sorti en DVD ?
Non, pas encore. Ça existe encore les DVD ? (rires) Par contre en VOD, ça serait classe.

– Peut-être en téléchargement illégal alors ?
Oui d’ailleurs je l’ai cherché hier et je l’ai trouvé en streaming. Mais, faut pas le dire, c’est illégal. Mais j’étais assez fier. Et puis la semaine dernière, je l’ai projeté à Bruxelles (ndlr : avec l’accent, une fois), on a fait 21 entrées. C’est un beau score…

– En parlant de Belgique, il y a quoi dans ta bière, la Naïve New Beer ? (ndlr : j’avoue, un peu facile le raccourci)
De l’orge malté, du houblon, des levures californiennes et de l’eau de source. C’est au moment de la sortie en France des Indian Pale Ale, des bières hyper houblonnées, qu’on a voulu s’en inspirer pour la nôtre, sans être aussi forte en houblon. Ça a plus le goût de bière d’Abbayes, un peu fleuri.

– En tout cas, elle est très bonne, félicitations. Pour en revenir un peu sur ta carrière, je voudrais que tu me parles un peu du premier clip qui vous a fait connaître. Celui de Live Good, réalisé avec les Megaforce.
Oui, c’était en fait le deuxième clip du groupe. On avait profité de pouvoir voyager aux frais d’une pub Pepsi que Megaforce réalisait à l’époque. On a pu, grâce à ça, voyager aux quatres coins du monde. Malgré cela c’était un clip réalisé avec notre argent de poche, mais on avait l’impression qu’il y avait beaucoup plus de budget. C’était les début du logiciel de trucage After Effect. Une petite révolution à l’époque, parce que les machines de trucage coûtait très cher, et là on pouvait faire des effets professionnels sur nos petits ordis portables. Ça marchait bien. Et grâce à ça, on a été en home page de Dailymotion genre trois jours après la sortie du clip. On était très fiers.

D’autant plus que cela nous a permis de nous faire connaître, d’avoir des contacts et de nous faire signer dans un label.

– Pourquoi penses-tu que NNB a plu ?
Grâce à ma personnalité (rires). Je rigole mais c’est certainement grâce à la scène. On aime bien que cela soit animé, que cela soit comme une espèce de kermesse bizarre, avec de la pyrotechnie et des chorégraphies millimétrées. Parce qu’en France, il n’y en avait pas beaucoup. A part la Compagnie Créole mais qui n’exerçait plus vraiment.

– Oui, comme les Frères Jacques, les Martin Circus, les Charlots…
Oui ho ça va ! Donc, on a fait revivre la Compagnie Créole et les Charlots en nous (rires). Mais ce qui est notre cadeau bonus, c’est surtout de ne pas vouloir faire comme les autres groupes, faire une autre musique, un savant mélange de rap-rock-pop-électro. Mais peut-être parce qu’on est indécis aussi. En fait dans le groupe on a tous des gouts différents donc chacun amène ce qu’il aime et personne n’ose contredire les autres.

– Et quels sont tes modèles musicalement ?
Pour l’imagerie, je dirais tout ce qui concerne la Californie, on the road again, le soleil, les palmiers. Puis le Prince de Bel Air, évidemment. Pour la musique j’adore Queen, Rod Stewart. Mais on s’inspire de plein d’autres choses : The Kills, The Stripes et Les Rythmes Digitales notamment, même si Jacques Leconte n’a pas sorti grand-chose sous ce nom récemment.

– Les textes, c’est toujours toi qui les écris ? Ca parle de quoi ?
Le dernier album, c’est un peu spécial car on s’est tous fait plus ou moins larguer à quelques mois d’intervalles. Donc je parle de ça et des passages importants de la vie. Jusqu’à la reconquête de soi et son renouveau intérieur.

– Ok, et par rapport à ça ? Le succès, la drogue, les femmes ?
(rires) Ah ben j’aime beaucoup les femmes. J’aime un peu moins la drogue. Pour ça il faut demander à Victor (rires). Car j’ai un proverbe qui dit que si tu prends trop de drogues, ben tu ne peux pas pécho de meufs…

– D’ailleurs, il faudrait que tu me confirmes une chose, car je me rappelle une fois où je prenais des photos au festival 37,2°, j’étais dans les backstages avec vous lorsque je te vois arriver tout débraillé et en hyper ventilation, accompagné d’une nana. C’était ta nana ? Vous veniez de faire quoi ?
(rires) Ben, à ton avis ? Oui, je crois que c’était ma nana. Mais on a le droit de faire de l’hyper ventilation avec sa meuf non ?

– Oui ! Bien évidemment ! Parle-moi de ton actu maintenant. L’Olympia ?
Oui grave ! Le 22 mars d’ailleurs. Voilà ! (ndlr : cherchez pas, c’est full complet)
Puis, on va commencer les festivals d’été. C’est toujours cool des partir en tournée. Là on répète. On fait les Vieilles Charrues, Main Square…

– Et ton film « Yo Pekin » ? Ça raconte quoi ?
En fait c’est l’histoire de notre tournée en Chine. On est sur scène, comme moi je commence à apprendre le chinois (comme Victor qui commence à apprendre le japonais), et que sur scène j’aime bien interpeler le public, à un moment je dis : « est-ce que vous êtes chaud ? », en chinois ça se dit : « 它是你熱嗎? »(1), et moi je dis, à cause des différents accents toniques : « 你怎麼就? »(2), voilà !

C’est alors que je me fais arrêter par la police, puis s’ensuit tout un mouvement de libération qui vient de la France, à la Florence Aubenas, Ingrid Betancourt. En tout cas, c’est un très joli film. Je tiens à dire d’ailleurs qu’on est à 1500 entrées comptabilisées depuis 1 an. Cela s’appelle un énorme bide, mais il y a eu beaucoup de salles, vu qu’on l’a projeté partout où on faisait une date avec le groupe.

– C’est déjà un film culte quoi. Bon, on a trop parlé taf. Changement de sujet. Quand tu veux te détendre tu fais quoi ?
Ah ben je marche au Sacré Cœur. Je prends un hot dog de touristes au Ronsard. Je me fais mon kif. Attention par contre, mon Hot Dog, la nana qui le sert me le fait chauffer, genre je suis un privilégié quand même. Voilà, tout le monde s’en fout… Ah oui et sinon je traine aussi beaucoup à Joinville le Pont, chez Gégène notamment (ndlr : le temple du bal musette et des moules frites). Que des endroits romantiques comme tu peux voir.

– En effet, et d’ailleurs tu traines avec qui dans ces endroits ?
Oh ben tout seul, je n’aime pas marcher avec des gens. Sinon j’aime quand même traîner avec mes deux soces du groupe, Martin Luther B.B. King et Eurobélix, même si je les déteste, j’aime bien être avec eux. Il y aussi Alex de Distrikt, notre brasseur (ndlr : et non Alexandre Brasseur, fils de Claude…). Mais ça c’est parce que j’aime bien trainer avec des scientifiques comme je l’ai dit au début.

– Et pour finir, t’as une phrase que tu répètes souvent ?
Ouais, « rien n’est grave sauf la mort », surtout en sortie de concert lorsque je me suis planté. Je dis souvent aux gars cette phrase, surtout en ce moment où j’ai souvent des trous de mémoire passagers. Sinon pour d’autres phrases je voulais en parler avec toi. Par exemple, dis-moi si tu aimes celle-là « Il faut se satisfaire de peu, mais désirer beaucoup ». C’est bien non ? Je la travaille depuis longtemps. Ou sinon « Impose ta chance, sers ton bonheur, va vers ton risque, à te voir ils s’habitueront » René Char, elle est bien celle-là non ?

– Tu n’avais pas rendez-vous là ?

Merci à la Brasserie Barbès de nous avoir ouvert ses portes pour l’entretien.

(1)« Est-ce que vous êtes chauds ? »
(2)« Est-ce que vous êtes des enculés ? »